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peut-être aujourd’hui dix ans de date, sont tombés aujourd’hui bien au-dessous de leur valeur primitive ; car, depuis cette époque, on a inventé des machines, à l’aide desquelles la vapeur a été appliquée aux diverses opérations qui se rattachent à la fabrication de ces produits ; ceux-ci, conséquemment, ont baissé de valeur comparés au travail, tandis que le travail a haussé comparé avec eux. Le livre qu’il lit est peut-être encore plus ancien ; et depuis qu’il a été imprimé, des perfectionnements ont eu lieu dans l’industrie, perfectionnements qui tendent à diminuer considérablement la somme d’efforts humains nécessaire pour sa reproduction. Le chimiste a fourni les poudres de blanchiment qui ont amélioré la couleur du papier. Le chemin de fer, en diminuant les frottements des véhicules, a diminué les frais de transport des chiffons et du papier. La puissance de la vapeur a remplacé le travail des bras de l’homme, et a permis au fabricant de papier de livrer au dehors, et provenant de la même manufacture, autant de rames qu’il pouvait autrefois fabriquer de mains. La vapeur devient encore un auxiliaire pour transformer le métal en caractères d’imprimerie ; et la presse à vapeur, qui livre des milliers de feuilles par heure, a remplacé la presse à bras qui ne les livrait que par centaines. A chaque accroissement pareil dans l’empire que l’homme conquiert sur la nature, il y a diminution dans la valeur des livres existants comparés à celle du travail, et augmentation dans la valeur du travail comparée à celle des livres, ainsi que le lecteur peut s’en convaincre, en jetant les yeux autour de lui sur sa bibliothèque, et comparant la valeur qu’il attache aujourd’hui aux ouvrages classiques qui sont constamment reproduits, à celle qu’il y attachait dix ou vingt ans auparavant. On peut aujourd’hui se procurer, en échange du travail d’un individu habile, pendant un seul jour, un exemplaire de la Bible, de Milton, ou de Shakespeare, mieux fabriqué que celui qu’on eût obtenu, il y a cinquante ans, en échange du travail d’une semaine ; la conséquence nécessaire de ce fait a été une diminution dans la valeur de tous les exemplaires existant, soit dans les bibliothèques particulières, soit entre les mains des libraires, le prix de reproduction étant la limite que ne peut dépasser la valeur[1].

  1. Comment se fait-il, demandera-t-on, qu’un exemplaire du Décaméron, de Boccace, édition de Valdarfer (1471, in-fol.), se vende 1, 000 guinées (2, 647 fr.), prix mille fois supérieur, probablement, à celui pour lequel on se le procurait primitive-