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son pouvoir d’accomplir de nouveaux progrès. Le capitaine de navire a obtenu, en échange d’une hache fabriquée par un ouvrier en un seul jour, des provisions qui avaient exigé plusieurs mois pour être recueillies et conservées, parce que les travaux de l’ouvrier avaient été aidés par son intelligence ; tandis que les colons pauvres et isolés ne pouvaient guère compter que sur une qualité à l’égard de laquelle ils étaient dépassés par le cheval et, beaucoup d’autres animaux, la simple force brutale.

En parcourant le cercle des actes qui s’accomplissent dans le monde, on trouve le même résultat. Le sauvage donne des peaux de bêtes, produit de plusieurs mois d’activité, en échange de quelques colliers de verroterie, d’un couteau, d’un fusil et d’un peu de poudre. Les Polonais donnent du froment, produit du travail de quelques mois, pour des vêtements produit du travail de quelques jours, aidé du capital sous forme d’instrument et de l’intelligence nécessaire pour en diriger l’emploi. Les Indiens donnent une année de travail pour une quantité de vêtements, ou de provisions, équivalente à celle qu’aux États-Unis on pourrait se procurer en un mois. Les Italiens donnent le fruit du travail d’une année pour moins que le même travail n’obtient en Angleterre, en six mois. L’ouvrier, aidé de la connaissance de son métier obtient, en une seule semaine, autant que le simple manœuvre peut gagner en quinze jours ; et le marchand qui a consacré son temps à acquérir une connaissance complète de sa profession gagne, en un mois, autant que son voisin moins habile à cet égard peut le faire, en une année.

Pour que la quantité de travail puisse devenir une mesure de la valeur, il faut qu’il existe un pouvoir égal de disposer des services de la nature. Le produit du travail de deux charpentiers, à New-York ou à Philadelphie, peut, généralement, s’échanger pour celui du travail de deux maçons ; et le produit du travail de deux cordonniers ne différera guère de celui de deux tailleurs. Le temps d’un ouvrier à Boston est presque égal en valeur à celui d’un autre ouvrier à Pittsburg, à Cincinnati ou à Saint-Louis ; mais ce temps ne pourrait s’échanger contre celui d’un ouvrier de Paris ou du Havre, ce dernier n’étant pas secondé dans la même proportion par les machines et conséquemment, devant plus compter sur la simple force brute. La valeur du travail, si on la compare avec celle des denrées nécessaires pour l’entretien d’un individu, varie, sur une