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jour, par le moyen indirect de la pêche du poisson qu’il devait échanger avec son voisin, qu’il ne l’eût fait en une semaine avec son arc et ses flèches impuissants ; et le second pouvait se procurer plus de poisson, en consacrant un jour entier à tuer des oiseaux, qu’il ne l’eût fait en un mois, privé de hameçon et de ligne. Par l’opération de l’échange, le travail de tous deux peut devenir plus productif. Chacun, cependant, cherchant à ne donner que le travail d’un jour en échange du travail d’un autre jour, se refuse à laisser son semblable obtenir une somme de service plus considérable que celle qu’il donne en retour. Le premier possède des poissons de diverses espèces, dont la capture a exigé plus ou moins de temps, et il évalue chacun de ces poissons par rapport à la résistance qu’il a eue à vaincre pour se les procurer ; et, pour cette raison, il regarde un seul comme l’équivalent d’une douzaine de perches. Le second possède des substances alimentaires animales de plusieurs sortes, et, pareillement, il regarde un dindon comme l’équivalent d’une douzaine de lapins. La valeur échangeable est donc déterminée exactement par les mêmes règles qui ont guidé chacun des individus, lorsqu’il travaillait pour lui-même.

Quelle est maintenant leur position, comparée à celle où ils se trouvaient antérieurement ? Tous deux ont recueilli un profit, en appelant à leur aide certaines forces naturelles, grâce au secours desquelles leur travail a été allégé, en même temps que les résultats de celui-ci ont augmenté considérablement ; et cette augmentation, ils l’ont gardée tout entière pour eux, la nature ne réclamant pour ses services aucune compensation. En outre, tous deux ayant recueilli un profit, par suite du pouvoir de combiner leurs efforts pour l’amélioration de leur sort commun, chacun maintenant peut se consacrer, avec moins d’interruption, aux travaux particuliers pour lesquels il se trouve le plus apte, en même temps qu’il y a tendance constante à l’accroissement dans la rémunération que donne le travail, à mesure que l’individualité se développe de plus en plus. Pour tous deux, il y a plus de temps à consacrer au perfectionnement des instruments à employer comme auxiliaires d’une nouvelle production ; et c’est ainsi que chaque pas fait en avant, pour conquérir l’empire de la nature, se trouve n’être que le précurseur d’un progrès nouveau et plus considé-