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portons nos regards vers l’Inde, nous y verrons un sol fertile partout transformé en un dédale de jungles, tandis que le dernier occupant de ce sol même meurt de faim, au milieu des forts situés sur les hauteurs. Dans la partie de l’Asie la plus rapprochée de nous, nous voyons le pays baigné par le Tigre et l’Euphrate, terre d’une fertilité incomparable et qui, à des époques très-reculées, entretenait les plus puissantes sociétés du monde, aujourd’hui si complètement abandonné, que M. Layard s’est trouvé lui-même forcé de rechercher la terre des collines, au moment où il voulait constater l’existence d’un peuple dans ses demeures. Aussi voit-on que les fièvres intermittentes, hôtesses constantes des terrains sauvages et en friche, sont le fléau général du voyageur en Orient.

En allant vers l’Ouest, nous constatons que les terres élevées de l’Arménie sont assez bien occupées pour permettre la continuation de l’existence d’une ville telle qu’Erzeroum ; tandis qu’aux environs de l’ancienne Sinope, on n’aperçoit plus que des forêts de bois de haute futaie, dont la dimension gigantesque fournit une preuve concluante de la fécondité du sol sur lequel elles croissent. En passant plus à l’Ouest et arrivant à Constantinople, nous trouvons l’immense vallée de Buyukderé, autrefois connue sous le nom de la Belle-Terre, complètement abandonnée, tandis que la ville tire les subsistances nécessaires à sa consommation journalière, de collines situées à une distance de 40 ou 50 milles ; et le tableau que nous offrons ici n’est que le spectacle en miniature de l’empire turc tout entier. Les riches terres du Bas-Danube, autrefois le théâtre où s’agitaient la vie et l’industrie romaine, n’offrent plus aujourd’hui que de misérables moyens d’existence à quelques porchers de la Servie, Ou à quelques paysans valaques. Dans toute l’étendue des îles Ioniennes, les terres les plus riches, autrefois très-cultivées, sont aujourd’hui abandonnées presque complètement, et doivent continuer de l’être, jusqu’à l’instant où pourra, de nouveau, s’y montrer cette habitude de l’association qui permet à l’homme de combiner ses efforts avec ceux de ses semblables pour dompter la nature.

Si nous arrivons maintenant en Afrique, nous pouvons suivre l’accroissement de cette habitude d’association et le développement de cette puissance, dans le fait suivant : la population descendant peu à peu vers le Nil, pour mettre en exploitation les terres fertiles du Delta ; et à mesure que la population décroît, l’abandon de ces