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Mon père avait deux neveux, fils de sa sœur : (16) Evangelista, franciscain, âgé de près de soixante-dix ans, et Ottone Cantoni, riche publicain. Avant de mourir, celui-ci avait voulu me faire son héritier, mais mon père s’y opposa, disant que l’origine de cette fortune était mauvaise : aussi ses biens furent-ils distribués au gré de son frère qui vivait encore.

À dix-neuf ans révolus je me rendis à l’Université de Pavie avec Giovan-Ambrogio Targio ; j’y restai aussi l’année suivante, mais sans mon camarade. À vingt-et-un ans j’y retournai en sa compagnie. Cette année-là, je soutins une dispute publique et j’expliquai Euclide au Gymnase. J’y enseignai aussi la Dialectique pendant quelques jours ainsi que la Philosophie élémentaire, d’abord en remplacement du frère Romolo, servite, puis plus longuement à la place d’un certain médecin Pandolfo.

À vingt-deux ans je ne quittai pas Milan, à cause des guerres qui désolaient notre pays. Au début de 1524 je me rendis à Padoue. Par hasard, vers la fin de l’année, c’est-à-dire au mois d’août, je revins à Milan avec Giovan-Angelo Corio. Je trouvai mon père à la dernière extrémité : mais plus soucieux de ma santé que de la sienne il m’ordonna de retourner à Padoue, heureux (17) surtout d’apprendre que je venais d’être reçu maître ès-arts à Venise. En rentrant je reçus une lettre qui m’annonçait sa mort, survenue à son neuvième jour de jeûne : il mourut le 28 août ; il avait cessé toute nourriture depuis le samedi 20.

Vers la fin de ma vingt-quatrième année je fus élu Recteur de cette université[1] ; et à la fin de l’année suivante je fus reçu Docteur en Médecine. La première charge, je l’obtins avec une voix de majorité après un ballottage. Pour la deuxième, je fus rejeté par deux fois et il n’y avait que trois tours de vote[2] : quarante-sept suffrages s’étaient exprimés contre moi. Je triomphai la troisième fois, il n’y avait plus que neuf voix contre moi, le chiffre même de ceux qui m’avaient d’abord été favorables.

Tout cela, je ne l’ignore pas, n’est que bagatelles ; je l’ai cependant rapporté dans l’ordre des événements pour avoir plaisir à le lire (je n’écris pas pour d’autres que moi), afin que, si quelqu’un consent à cette lecture, il sache que les débuts comme le succès des grands événements sont obscurs ; il se peut que des accidents de ce genre arrivent à d’autres qui n’y prêtent point attention.

  1. Le Recteur était alors un étudiant élu dans chaque Faculté par ses camarades. Les archives de l’Université de Padoue n’ont conservé aucun document relatif à l’activité de Cardan dans cette charge où il fut appelé le 2 août 1525 (V, 523).
  2. Cf. De Consolatione III (I, 619) : At nec… medicorum Patauinorum consensus mitior erga me fuerat : cum lauream (quae mihi iure debebatur) bis iuste denegauerit uixque (pertinacia pretoris) ultimo concessit… Franciscus Bonafides medicus, uir tum optimus, tum simplicissimus, tam fortiter Patauinorum medicorum iniuriae resistebat (quamuis et ipse ciuis) ut non a fratre frater diligentius defendi potuerit.