vide et la vanité des choses humaines, si ta science t’a fait trouver davantage et si vraiment il y a quelque chose dans ce vide. C’est pourquoi nous voudrions savoir quel profit espérer ou quel but atteindre. Si vraiment il n’y a aucune utilité, à quoi bon écrire, enseigner et apprendre ?
Moi. — Oui et non. Premier point : nous savons, comme je l’ai dit, que notre malheur est plus grand que le bonheur, qui est à peu près nul. Et, dans ce vide, il y a parfois quelque chose, mais petit et bref. J’ai pourtant ramené tout à rien, pour que nous sachions saisir à temps ce peu de chose et éviter le malheur. En ce qui concerne le malheur, il n’est, en soi, ni grand ni médiocre et, encore moins, excessif et extrême ; pourvu qu’il ne soit pas excessif par rapport à l’homme, comme il peut l’être, nous saurons l’éloigner de nous et le réduire à rien, tandis qu’en ignorant ces moyens tu seras malheureux.
S. — À ce que je vois, le profit est quintuple : d’abord alléger (305) le malheur s’il n’est pas extrême ; deuxièmement, augmenter ce peu de bonheur qui appartient à l’humaine nature ; troisièmement, recueillir quelque chose de minuscule qui, pour un court moment, remplisse ce vide ; quatrièmement, savoir qu’il existe un bonheur, tout petit et court, qui consiste seulement dans la vertu que n’entravent pas de grands malheurs ; cinquièmement, que la durée de ce bonheur peut être augmentée un peu plus, car ses éléments et leur emploi peuvent être sensiblement prolongés, si on les rapporte à la brièveté de la vie humaine. Mais si la vie humaine durait cinq ou six cents ans, tout le monde y mettrait un terme par désespoir. Il en va de même du bonheur récent.
Moi. — Très bien et je te remercie d’avoir expliqué la question bien mieux que je n’aurais su la présenter. J’ajouterai encore ceci : ce bonheur, si petit et si grêle qu’il soit, ou mieux (pour parler clair) à peu près nul, a tout de même quatre degrés : le premier, quand le