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éprouve aucun mal. Il n’a pas connu non plus le procédé de la distillation qui n’avait pas encore été trouvé à cette époque. Et ce qui n’a pas eu peu d’influence sur moi, c’est l’autorité de celui dont la puissance suprême et la bienveillance frappent les yeux. Le petit livre Actus, je l’ai ajouté comme pour faire bon poids, et comme une étincelle dans les armes à feu.

Du reste si quelqu’un voulait ramener tous mes livres (257) à la mesure des dix-huit premiers, en retranchant ce qui est le moins à propos ou le moins nécessaire, comme l’ai fait moi-même en quelques passages de mes autres livres, dans le De varietate rerum par exemple, il donnerait plus de valeur à mon œuvre et je lui en serais reconnaissant. Mais souviens-toi que, tous les livres — ou du moins les bons — ayant été écrits avec le secours du ciel qui nous arrive de trois manières, ils ont pu recevoir leur éclat de cette lumière qui est commune à tous ; car toute sagesse vient de notre Seigneur Dieu et, suivant l’opinion des platoniciens, notre entendement reçoit l’intelligence du bien auquel il s’unit et il éclaire l’âme tournée vers le ciel. Une autre manière plus évidente se manifeste quand cette illumination divine pénètre en nous par une faveur particulière ; certains platoniciens en ont douté faussement, mais notre religion ne laisse pas de doute là-dessus ; c’est un privilège des hommes vertueux. La troisième se réalise quand on saisit cetto lumière dans certaines occasions offertes, comme il m’est arrivé en la présente année 1576, le 14 mars. Au moment où j’écrivais dans mon livre De tuenda sanitate le chapitre de la férule, dont je faisais l’éloge car elle était de mon goût, je rencontrai au marché des légumes (258) à Rome, dans le voisinage du marché au poisson, un vieillard mal vêtu ou plutôt en haillons, qui me déconseilla de la consommer en disant : d’après l’opinion de Galien la férule peut tuer rapidement tout comme la ciguë. Et comme je lui répondais que je savais bien distinguer la ciguë de la férule, il me dit : « Prenez garde, je sais ce que je dis », et il murmura quelque chose de Galien. Rentré chez moi, je trouvai le passage, que je n’avais pas remarqué avant. Cela me fit apporter quelques légers changements à l’opinion que j’avais exprimée, et j’ajoutai un bon nombre de restrictions. Il faut qu’elle soit cueillie en Italie ; l’examen de la tige permet de comprendre quand l’emploi en est tout à fait sûr, si elle n’est pas nuisible parce qu’elle est froide ; elle peut pourtant être employée sans abus, comme