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araignées font des mouches et les autruches du fer[1]. (Car je ne me soucie pas de ceux qui s’acquièrent de la considération en tâchant, par des fourberies, de paraître savoir ce que personne ne sait ; l’expérience montre ensuite qu’ils ignorent beaucoup de choses que les autres connaissent.) En cinquième (255) lieu vient l’ouvrage De tuenda sanitate et enfin le second livre des Hyperborea. Le cinquième de ces ouvrages constitue l’achèvement du troisième, le sixième l’achèvement du premier. Je souhaiterais que, sauf ces dix-neuf, aucun de mes livres ne survécût. Quelqu’un s’étonnera peut-être ! Virgile n’a-t-il pas désiré la destruction de l’Énéide (ou plutôt il l’a voulue et l’a ordonnée) en laissant subsister les Bucoliques et les Géorgiques ? Et moi, ce n’est qu’après avoir passé toutes mes œuvres en revue que j’ai été amené à cette résolution.

J’ai suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles j’ai composé mes livres De natura ; j’ai écrit le Theognoston pour remplacer les Hyperborea ; le De moribus, à l’imitation d’Aristote parce que dans sa République il a estimé que la tyrannie la plus longue pouvait à peine durer cent ans, ce qui est faux ; j’ai écrit mes mémoires parce que je semble y avoir été poussé par le loisir, par la nécessité et par beaucoup de circonstances favorables, et parce qu’il n’est pas sans agrément pour moi de revivre le passé, si Épicure ne se trompe pas absolument ; le De dentibus, pour indiquer un traitement certain de longues maladies, comme j’avais fait dans mes commentaires sur les maladies aiguës ; le De lue indica, parce qu’on m’avait souvent écrit pour me consulter (256) et que j’avais réuni d’abondants matériaux sur la question. Pour mon livre De tuenda sanitate, bien des raisons me poussaient à le composer : Galien s’attache avec trop d’exactitude à l’ordre qu’il a établi et laisse beaucoup de points obscurs, la plupart incertains, tous incomplets ; il n’est pénible de le dire, mais avec ses frictions et ses exercices il s’égare si souvent, vagabonde, s’attarde et ne s’est jamais souvenu d’indiquer le vin qu’il faut donner aux bien portants et aux jeunes gens ; il semble avoir évité exprès d’en parler dans tant de passages qui s’y prêtaient et dans tant de volumes. Je laisse de côté ce fait que les habitudes des anciens ne conviennent pas tout à fait à notre temps, ni celles des Grecs aux Italiens, et que les choses elles-mêmes, ne sont pas identiques : il rapporte dans le second livre De alimentis qu’en Cyrénaïque on mange l’arum comme une rave et qu’on n’en

  1. De Subtilitate, X (trad. fr., fo) : on dit qu’elle cuit et digère le fer ce qui aduient pour sa uéhémente chaleur et épaisseur du uentricule. — C’est une très ancienne légende qui figure dans la plupart des encyclopédies et des bestiaires médiévaux. Voir par exemple Brunetto Latini, Trésor, l. V, 174.