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reusement. Je n’avais pas dormi jusqu’à minuit ; quand je voulais m’endormir, (208) mon lit parut trembler et, avec lui, toute la chambre ; je crus à un tremblement de terre. Plus tard enfin le sommeil me prit. Le matin, dès qu’il fit jour, je demandais à Simone Sosia, qui est maintenant ici à Rome et qui avait dormi près de moi dans un lit pliant, s’il avait remarqué quelque chose. Il répondit : « Un tremblement de la chambre et du lit ». — « À quelle heure ? » — « À six ou sept heures » répondit-il. Je vais alors sur la place et je demande à plusieurs personnes si elles avaient senti cette nuit un tremblement de terre. Personne ne répondit affirmativement. Je rentre. Un domestique accourt au-devant de moi, tout triste, et m’annonce que [mon fils] Giovanni Battista avait épousé Brandonia Seroni[1], une jeune fille sans aucune fortune, qu’il aimait. D’où des chagrins et des larmes. Je me rends sur place et je vois la chose faite. Ce fut bien le début de tous ses malheurs. Je réfléchis que le messager divin avait voulu m’annoncer, dans la nuit, ce qu’il savait avoir été conclu le soir. À l’aube, avant que mon fils quittât la maison, je l’avais rencontré et je lui avais dit (moins à cause de l’avertissement miraculeux, que parce qu’il semblait égaré) : « Mon fils, prends garde de rien faire aujourd’hui qui puisse être un grand malheur. » Je me souviens de l’endroit, c’était près de la porte, (209) mais je ne sais plus si je dis un mot du prodige. Quelques jours après, je sens de nouveau trembler la chambre. Je tâte de la main, je sens mon cœur palpiter ; j’étais, en effet, couché sur le côté gauche. Je me relève, agitation et palpitations cessent. Je me recouche, tout recommence, et je reconnais que les deux faits dépendent l’un de l’autre. Je me rappelai alors que la fois précédente, quand j’avais cru remarquer un tremblement, mon cœur avait palpité ensuite, ce qui était naturel. Mais comment ce trouble affectait-il mon valet, je ne le comprenais pas. Je remarquai seulement que le tremblement était double : un naturel qui a pour cause la palpitation du cœur, un autre causé par l’esprit qui intervient par ce moyen. Je suis arrivé à cette conclusion par analogie avec ce qui se passait il y a bien des années : autrefois en effet, si je me levais avant le jour, j’étais tourmenté de lourds et pénibles soucis ; dans ces dernières années, même s’il m’arrive de veiller, les soucis ne se produisent pas, parce que cette veille est provoquée plutôt par un état maladif que par une émanation surnaturelle.

  1. Sur son caractère et sa conduite cf. De utilitate ex adversis capienda, IV, 2 (II, 267 sqq.) et Defensio Ioan. Baptistae Cardani filii mei… dans l’édition de Bâle, 1561, de De util. ex adv. cap., pp. 1107-1144.