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XVII

CALOMNIES, DIFFAMATIONS ET EMBÛCHES TENDUES PAR MES ENNEMIS

(75) Les embûches sont de deux sortes : les unes visent la réputation et l’honneur, ce sont les seules dont je parlerai ; les autres, je m’en occuperai plus bas. Je veux me borner maintenant aux embûches, surtout à celles qui ont été tendues en secret. Or pour peu qu’elles aient été moins dissimulées, elles ne seraient point passées inaperçues ; et si elles étaient grandes, il eût été difficile de les cacher. Mais d’autre part, il est stupide d’observer curieusement de petites choses ; je me bornerai donc à en raconter quatre.

La première date de l’époque où j’étais candidat à Bologne[1]. Les ennemis de mon nom envoyèrent à Pavie un secrétaire qui ne vint pas à mon cours, n’interrogea pas mes élèves et, je ne sais d’après quelle source, écrivit cette lettre ou plutôt cette sentence, en l’accompagnant de récits merveilleux sur un autre candidat parce qu’il n’espérait pas, je pense, sa venue : « J’ai appris que Cardan enseigne non (76) pour les élèves, mais pour les bancs. C’est un homme de mauvaises mœurs, désagréable à tous, qui ne manque pas de sottise, extravagant dans sa conduite. De plus, il est si peu versé en médecine et professe sur cet art des opinions si particulières que dans la ville il n’est agréé de personne et n’a pas de clientèle. »

L’envoyé des Bolonais lisait ce rapport en présence de l’illustrissime Borromée, Légat pontifical en cette ville. On avait déjà décidé de mettre fin aux négociations, mais au cours de la lecture, en entendant ces mots que je n’exerçais pas mon art, un des assistants dit : « Hé, je sais bien que ce n’est pas vrai, car je connais des gens éminents qui eurent recours à ses services et moi, qui ne le suis pas, je l’ai fait aussi ». Le Légat prit la parole : « Moi aussi je peux témoigner qu’il a guéri ma mère dont l’état, suivant les autres méde-

  1. Sur l’opposition que rencontra la candidature de Cardan à Bologne et dont elle ne triompha que grâce à la protection obstinée du cardinal Borromée, voir Emilio Costa, Girolamo Cardano allo studio di Bologna (da nuovi documenti tratti dall’archivio di Bologna), Arch. stor. ital., Ve série, t. XXXV (1905), pp. 425-436. — Cf. aussi chap. XLII.