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Hymne

Le paysage étend ses lignes sensibles au large azur qui choit des cieux. Quel beau soleil baise les versants ! Les courbes évoluent sous la lumière qui les contient pour ne pas troubler un ordre aussi pur. Mais le flot arrondi des luzernes arrive jusqu’à la plaine féconde et grasse. Il sourd, frange d’une mince écume de haies en fleurs, et fermente, adoré par les brises. La rivière s’arrête sous les hauts peupliers des bords. Son eau pénètre la terre immobile et sacrée.

— Je porte en moi des destinées éternelles comme cette terre magnifique. Rivages battus par l’océan débonnaire, prairies calmes, montagnes et fleuves, j’ai votre simplicité. Vos attitudes — orgueuil serein — sont les bornes de mon instinct. Ah ! n’est-ce pas assez de vous avoir drapés comme une flamme sur mes reins, et que mon visage vous traduise avec ses yeux gavés d’azur, ma bouche qui respire et mes joues qui sont mon être vivant et charnel ? La sève est forte comme l’alcool, je sais ! L’amour tourmente mes flancs et me laboure d’élancements obscurs, c’est bien. Mais

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