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Paresse

L’humble décor de pommiers fleuris et d’aubépines, s’émeut d’une si légère matinée de printemps. Le soleil glisse entre les branches gonflées : il tombe dans les orties les ronces et les viornes extravagantes. L’auberge est vide. Sa blanche façade aux volets verts égayés de lumière m’invite. J’entre et je trouve une salle aux tables qui luisent. Les murs crépis à la chaux ne s’ornent que d’une haute horloge de campagne dont le balancier retentit. Sur la cheminée il y a une glace carrée dans un cadre de bois rouge et deux de ces statuettes en plâtre doré que vendent les Italiens.

La servante arrive, déhanchée, chaussée de savates crevées et me sert. J’apprécie, sans élan, la gorge flasque, le chignon gras qui dégringole et la vigueur des reins qu’elle fait rouler pour me séduire. Mais je mange et je bois sans m’occuper d’elle. Quand j’ai fini, je bourre de gros tabac ma pipe douce et je reste une heure entière allongé sur un banc, heureux du balancier qui bouge et du soleil qui, par la croisée, me chauffe le ventre.

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