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Ody Drassati

Voici la plus angoissante des poupées. L’artifice qu’elle déploie me tourmente, mais ma chair vit à l’aise. Ody Drassati ! Je pense que son sourire s’écaillera. Mais non. Posé sur nous (il semble qu’un pur prodige va s’accomplir), ce sourire devient impérieux. Il est un masque étrangement fixe.

La poupée danse toute raide, cassée en deux par les saluts. Elle sautille sur deux pointes qui cognent le bois. Les bras marchent aussi comme animés par des ficelles.

Un lent vertige… Dans le silence colossal, le temps s’arrête, un bec acétylène claque.

…Ody ! Ody !

La poupée envoie des baisers.

Nous nous rassemblons alors dans une affreuse et consciente minute, comme si nous allions nous lever tous ensemble, comme si nous allions, tous ensemble, briser ce joujou poignant et cruel, ce joujou-supplice auquel nos nerfs ne sont pas faits.

Mais, dans la salle, une petite fille éclate de rire.

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