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ventre, une guitare rouge et retentissante dont il tirait des effets pittoresques pour ce jaune et long escogriffe à la voix pointue comme son chapeau tyrolien… Un moment, il s’égosilla. Un moment, l’instrument, sous les doigts habiles du musicien, répandit une infinité de sons et termina sur un accord plaqué net avec un grand cri du chanteur.

Il ne tomba pas un sou dans la rue. Aucun visage n’apparut aux fenêtres. C’était à croire que, dans les maisons, nul ne se souciait de ces artistes que j’observais sans dire mot. Ils me virent : ils me saluèrent discrètement de loin, et la chanson reprit sur une gamme étrangement colorée, à l’italienne, que le chanteur attaqua vite avant de donner à sa voix cette note suraiguë par quoi je la trouvais surprenante.

Mais, du coup, les pigeons s’envolèrent et le chat maigre qui les guettait, de derrière une borne, resta court, cependant que je me régalais du concert imprévu que me donnaient ces bizarres personnages, midi sonné partout depuis longtemps.


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