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L’Œil du Diable

À Roland Dorgelès

Parfois — dépassant un mur — c’était, sur le ciel blanc de cette matinée d’automne, une branche lourde de pluie que le vent balançait. Des cours immenses, vides et sonores émerveillaient le promeneur. Il s’arrêtait. Il repartait du même pas régulier qui sonnait sur les pierres. Les ruelles descendaient, montaient, s’enchevêtraient, aboutissaient à une petite place et, dans un cabaret mystérieux, l’homme se faisait servir une bouteille de vin…

… On entendait le doux crépitement d’une averse sur les vitres vertes de la salle…

— Ô cher abri ! comme tu étais profond et fourré de langueur ; comme tu endormais mon cœur ! Mais mon cœur se réveilla lentement et je commençai de souffrir. Mille souvenirs me harcelaient. Je la voyais mélancolique et malheureuse, cherchant à m’attirer. Sa beauté me faisait mal. Elle m’appelait et j’étais à la fois méprisant et séduit, sévère et tourmenté. Ah ! que ton amour me fut alors difficile à combattre ! Tu pleurais, tu n’exagérais pas tes larmes.


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