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aisément. Des journalistes célèbres, des banquiers, le personnel riche de la Bourse, des clubmen en vue, des actrices, des horizontales chics, assistaient à ses fêtes. Brasier n’en manquait pas une. Il adorait ce mélange exquis d’hommes et de femmes, de tant d’êtres différents et mutuellement hostiles.

La maîtresse de la maison était pour le moment Noëlle. Elle avait quitté le théâtre et vivait avec Moussac. Sa carrière d’artiste se bornait à des figurations dans les revues et des pièces à costume, où elle dévoilait un corps merveilleux. Moussac l’enleva à un Russe qui l’entretenait, et elle préféra une situation solide de femme presque légitime, avec un Parisien aimable, à l’argent capricieux de l’étranger. Ce qu’elle en avait vu de femmes laissées dans la misère par de grands seigneurs russes !

Elle allait partout au bras de son amant et on lui témoignait un grand respect. C’était d’ailleurs une justice à rendre à Moussac qu’il ne choisissait ses maîtresses qu’au théâtre ou parmi les horizontales d’un certain niveau. Avoir été la maîtresse de Moussac, constituait une bonne note dans la carrière d’une dame et servait à son placement ultérieur. Aucune de celles qu’il avait eues ne se trouvait actuellement dans une position médiocre et il en invitait à ses soirées avec leurs nouveaux amants.

On arrivait vers onze heures. Des tables de jeu dressées dans un salon étaient vite entourées. On y jouait le baccarat, l’écarté et le poker jusqu’au matin ; dans deux autres salons, des couples dansaient au piano. Le buffet, très soigné, offrait des mets raffinés et les meilleures marques de champagne ; les boîtes de cigares et