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Il aimait assez Brasier, dont le cynisme excitait le sien. Ils se tutoyaient et, dans des soupers intimes, faisaient assauts d’injures et de gros mots.

Ce fut Brasier qui lui suggéra l’idée de fonder un journal :

— Voilà l’occupation qu’il te faut, car si tu continues, tu finiras par être complètement abruti et tu me répugneras trop pour que je continue à te fréquenter. Le principal élément du succès, c’est l’argent, et tu en as cent fois plus que ne mériterait un voyou de ton espèce.

Cette idée l’emballa. Oui, fonder un journal, remuer des capitaux, avoir de l’influence, dominer des employés de toute sorte, voilà ce qui lui convenait…

— Tu pourras être grossier et impertinent à ton aise… tu auras un prétexte, au moins, tu seras quelque chose.

Sa première conception fut simplement de créer un journal d’affaires ; peu à peu il l’élargit, voulut un journal complet, plein d’informations, jetées pêle-mêle ; — pas de littérature ; trop difficiles à manier les littérateurs, trop exigeants, trop susceptibles, — le vrai journal nécessaire à des gens pressés, indifférents, pratiques. L’Informé parut, précédé par une réclame gigantesque, et son succès fut énorme, tout de suite.

Verugna ne tarda pas à être un personnage considérable. Sa mère avait eu l’ingénieuse idée de le faire naturaliser Français à vingt et un ans. Il était né au Brésil, comme Verugna le père.

La pauvre femme parlait peu de son époux. Les rares occasions où elle prononçait son nom, c’était pour dire : « Nous étions alors à Rio-de-Janeiro, à la Plata, à San-Franscisco, aux Indes. » Évidemment