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— Bonsoir, vous. Vous attendez Verugna ?

Et, à l’oreille, il lui dit :

— Ne restez pas ici au milieu de tous ces gens-là, montez à la rédaction. Le patron est en retard ; il a fait la noce toute la nuit.

— Ah bah !

— Je l’ai vu, à midi, couché. Il avait une sale mine et il m’a dit qu’il dormirait jusqu’au dîner. Il mène depuis quelques jours une existence idiote avec cette femme !

— Une nouvelle ?

— Une espèce de fille, pas mal d’ailleurs, qu’il a ramassée dans un bal de Montmartre. Toujours un peu crapules, ses goûts, vous savez… Il dépense beaucoup d’argent pour elle…

Il n’y avait pas de meilleure expression pour caractériser les goûts de Verugna : ils étaient « crapule ». Il aimait les filles dégingandées, tapageuses et grossières.

Personnellement, il avait l’air très distingué ; petit, brun, l’œil ironique, des dents superbes, élégant de costume. C’était une surprise de l’entendre, dès qu’il ouvrait la bouche, proférer des paroles d’une malpropreté extraordinaire, des jurons et des imprécations de barrière. Il n’allait pas dans la bonne société, à cause de cela.

Il parlait d’une voix douce, d’un timbre agréable, et ses gestes étaient gracieux.

Il ne se contentait pas de dire des saletés, à tout propos, entre deux phrases sérieuses ; il en faisait. On citait de lui des actions dégoûtantes, qui écœuraient tout le monde autour de lui, mais le réjouissaient énor-