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— Je vais faire atteler et vous accompagner jusque chez vous. Il est tard…

— Non, je vous en prie, j’aime mieux rentrer toute seule, à pied.

— Vraiment ?

— Oui, vraiment, j’ai besoin de marcher…

Dans la rue elle alla vite, présentant sa figure au vent froid qui soufflait. Elle pensa à Velard avec qui elle avait rendez-vous le lendemain et eut un mouvement de colère.

« Par exemple, celui-là peut garder son argent. J’en ai assez d’un. »

Cependant, elle fit une réflexion :

« Il n’a pas de chance avec moi, ce petit. »

Certainement, elle éprouverait avec lui moins de répugnance qu’avec Letourneur. Même, en le revoyant si doux, si gentil, tout prêt à lui rendre service, elle avait ressenti du plaisir ; mais elle n’allait pas s’amuser pendant que Farjolle souffrait en prison. Letourneur était nécessaire : le petit, non. Tant pis pour lui. « D’ailleurs, il n’est pas riche et il gardera son argent ; ce sera toujours ça. »

Un instant, avant de réfléchir, parmi le désordre de son esprit, elle avait supposé qu’elle pourrait être à la fois la maîtresse de Velard et de Letourneur ; que, dans sa grave situation, cela n’avait rien d’extraordinaire ni de scandaleux. Aujourd’hui, la première expérience faite, elle renonçait à cette idée avec dégoût… Oui, c’était bien assez d’un, et d’ailleurs un seul suffisait pour sauver Farjolle… Une fille peut-être, une Noëlle, une Joséphine, prendrait aussi les cinquante mille francs de Velard. Elle se complut dans la pensée de cette supériorité.