presque s’en apercevoir, arriva à la désirer. La catastrophe de Farjolle lui parut une occasion favorable. Peut-être n’aurait-il jamais essayé, malgré son cynisme, d’acheter Emma, bourgeoise rangée, régulière et modeste ; mais cette circonstance le décida. Il ne voulut pas la marchander, tenant à se montrer généreux et indifférent à l’argent, offrant une somme qui serait une excuse.
L’hôtel de Jenny Heward, une de ses premières toquades, lui avait coûté cinq cent mille francs. Il ne les regrettait pas. « Je peux bien donner, se dit-il, la moitié à celle-là qui me plaît dix fois plus et que je serai le seul à avoir. » Cette liaison avec Emma aurait encore l’avantage de ne durer que quelques semaines et de ne pas encombrer sa vie. Il ressentait aussi une volupté particulière à la laisser très heureuse, après lui.
Dans un petit salon retiré et sombre, tapissé de tentures rares, il l’attendait impatiemment. Quand un domestique l’eut introduite, il la prit par les deux mains, l’attira sur un divan large, et paternellement s’inquiéta de sa santé.
— Vous avez vu votre mari, Madame ?
— Oui, je sors de la prison… Nous avons bon espoir. Je n’oublierai pas ce que vous avez fait, Monsieur, et je vous suis très, très reconnaissante.
Il la déganta et lui baisa les poignets.
— Dame, j’abuse un peu de la situation… Elle reprit, embarrassée :
— Je ne vous… en suis pas moins reconnaissante.
— Vous comprenez, à mon âge et tel que je suis, je n’ai pas la prétention de me faire aimer d’une femme