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qui perd gagne

Emma lui sourit et baissa la tête.

— J’ai espoir que tout s’arrangera, dit Velard, pendant que la porte se refermait.

Velard avait hésité longtemps. Pour un garçon raisonnable et qui gagne sa vie dans les affaires, c’est une importante résolution que de donner cinquante mille francs à une femme. Il supposa que ses amis se moqueraient joliment de lui s’ils connaissaient une pareille folie et que peut-être même des clients perdraient de leur confiance. La folie était d’autant plus grande que cette femme, il avait été son amant, il l’avait possédée bien des fois. Ainsi, pour revoir une ancienne maîtresse, il allait dépenser, dilapider cinquante billets de mille ! Il considéra cela comme une de ces actions héroïques, un de ces dévouements sublimes auxquels vous pousse un invincible amour et il s’enorgueillit.

Jusqu’à présent ses caprices ne lui avaient pas coûté cher. Il avait plutôt la réputation d’un homme serré et excessivement pratique dans toutes les questions d’argent. Il savait faire bonne contenance lorsque des femmes lui reprochaient sa parcimonie.

Vers la vingtième année, sa figure imberbe et fraîche, son air gamin lui valurent des succès. Une horizontale célèbre s’éprit de lui, un soir après souper, et il resta plusieurs mois avec elle. Il ne gagnait pas un sou, à cette époque, et débutait sur le pavé de Paris : son amie se montra délicate et maternelle. Velard conserva de cette liaison l’habitude de ne pas distribuer de l’argent aux femmes avec exagération. Ses maîtresses ne comptaient pas sur lui dans les circonstances difficiles.

Sa veine dans les affaires ne le rendit pas dépensier : il avait, en outre, du bonheur au jeu, et les cinquante