boursait s’il gagnait, et quand il perdait, ajournait les
pauvres diables sous des prétextes plus ou moins plausibles.
Les uns se résignaient à la perte de leur argent,
effrayés des démarches, espérant un remboursement
ultérieur et problématique ;
les autres
criaient, menaçaient,
portaient plainte au
parquet. En dix ans,
Selim avait été traduit
ainsi quarante fois en
police correctionnelle,
sous l’accusation d’abus
de confiance, mais
s’en tirait toujours à
cause de l’enchevêtrement
extraordinaire de
ses comptes, où la justice
était impuissante à se reconnaître.
Les juges, d’ailleurs, n’avaient
pas grande pitié pour la bêtise
colossale des clients qu’il flouait.
Mais cette fois-ci, Selim avait commis
une escroquerie tellement caractérisée
que le tribunal, tout en étant séduit par sa
persévérance et son ingéniosité, le condamna à deux
ans de prison.
Farjolle, au cercle, commenta cet événement et se montra sévère à l’égard du coupable.
— Des gens comme Selim nous déconsidèrent parmi le public. Il n’y en a malheureusement que trop. Plus un métier est délicat, — et il n’en est pas de plus délicat