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çait par cette indifférence. Encore à Paris, il avait de bonnes heures, des après-midi délicieuses et parfois l’illusion d’être aimé : maintenant sa vie était une privation continuelle.

Farjolle l’invita cependant à rester quelques jours à la Maison-Verte et Emma ne parut pas mécontente. On lui donna une chambre d’ami et il crut que ses tourments allaient finir. Emma riait avec lui, faisait des promenades en bateau, pêchait à la ligne. Mais quand il cherchait à l’embrasser, elle l’arrêtait par des paroles désagréables. Elle promit, sur les supplications de Velard, d’aller à Paris bientôt, s’il se trouvait une occasion. « Mais ici, chez moi, près de mon mari, je ne voudrai jamais, il faut en prendre votre parti. »

Entre sa femme et Velard, Farjolle menait une existence facile ; aucun souci ne l’agitait et il avait une grande confiance dans l’avenir. Il développait ses idées pour l’hiver, à la rentrée.

— J’ai du crédit et des relations, aujourd’hui. Je crois que je me déciderai à fonder un journal financier, dont j’étudie les bases. Il y a énormément à faire dans cet ordre d’idées-là. Avec mon journal, je serai au centre de la place et je pourrai manœuvrer… Que dites-vous de cela, Velard ?

— Je dis qu’il y a en effet une situation à prendre. La plupart des journaux financiers sont des feuilles de chantage, fondées pour profiter d’une émission et pour flouer des clients de province ; il y en a quelques-uns de sérieux, mais pas assez.

— Vous avez raison, mon cher. Un homme un peu connu, et qui aurait la réputation d’être honnête, réussirait certainement. On ne s’imagine pas ce qu’on