Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.

une autre salle pour voir les exercices des frères Drury. Ces deux clowns devaient être une des principales attractions du Cirque anglo-français. Ils jouissaient d’une immense réputation en Europe et en Amérique, mais n’avaient jamais travaillé à Paris.

L’association des frères Drury présentait cette particularité qu’ils étaient brouillés à mort depuis longtemps pour une histoire de femme. Sur la scène, cabriolant et grimaçant ensemble, ils s’adaptaient l’un à l’autre avec une précision si prodigieuse, leurs deux masques semblaient si pareils, que l’imagination ne pouvait les concevoir séparément. La toile baissée, les spectateurs disparus, leurs visages devenaient hostiles et cruels.

Ils ne se fréquentaient pas en dehors de leurs exercices. En entrant en scène, ils se lançaient parfois un regard mauvais, et, tout d’un coup, devant le public, les deux inséparables bondissaient, s’embrassaient, se chatouillaient, réalisaient leurs ineffables fantaisies.

Ils avaient fait cette expérience que, l’un sans l’autre, ils ne produisaient qu’un effet médiocre, et ils avaient décidé de prolonger leur association jusqu’à un certain chiffre de bénéfices. Alors ils se sépareraient à jamais.

Personne ne soupçonnait cette inimitié ; car ils adoptaient une attitude conventionnelle lorsqu’ils se rencontraient quelque part, dans la vie privée, en présence d’étrangers.

Le banquet donna lieu le lendemain dans les journaux à un grand développement de réclame. On imprima les toasts.

À la fin de mai, le Cirque anglo-français ouvrit ses portes. C’était une vaste construction, entièrement en