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monter aux lèvres. Alors ils sentaient qu’ils auraient de la peine à vivre séparément, que leurs existences étaient liées pour une lutte commune contre le hasard.

Elle ne songea pas une seconde, ce jour-là, que le lendemain elle avait un rendez-vous avec Paul Velard.

Cette idée lui revint à peu près à l’heure fixée chez Moussac, en valsant. Elle commandait le dîner à la bonne quand elle pensa tout d’un coup : « Tiens ! j’allais oublier que le petit m’attend place Blanche ! Je serai très en retard. »

Une demi-heure pour s’habiller, un quart pour arriver, une heure de pose, quoi ! Si elle n’y allait pas ? Pourtant il avait l’air bien amoureux, le petit, et, en tout cas, c’était amusant d’inspirer une vraie passion à un gamin de vingt-cinq ans, roublard, vicieux, effronté avec toutes les autres femmes et devant elle, au contraire, presque tremblant. Car elle le revoyait, avant-hier au bal, pendant qu’il la tenait par la taille et lui pressait la main : ses yeux papillotaient, il était tout rouge.

— Oui, c’est rigolo ; tant pis, j’y vais.

Elle mit son chapeau et ses gants, et sortit.

— Je vais y aller à pied.

Le petit attendait depuis trois quarts d’heure, le collet de sa fourrure relevé jusqu’aux oreilles. Son nez, tout blanc, dépassait à peine. Il avait laissé le fiacre au coin de la rue Blanche et arpentait héroïquement la place, balayée d’un vent glacial. On commençait, aux devantures des boutiques, à allumer les becs de gaz, Velard se demandait combien de temps il resterait si elle ne venait pas.

Toute la journée, il s’était tourmenté avec cette