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lon a mis ses chevaux au pas pour gravir la montée. Je suis descendue, et j’ai pu encore une fois m’appuyer librement sur le bras de quelques-uns de mes plus chers amis qui étaient venus m’attendre au pied de la côte comme au rendez-vous des adieux.

Restés un peu en arrière de la voiture et recueillis dans notre douleur, nous marchions lentement, sans parler, comprenant que chacun de nos pas avançait l’heure de la séparation, et cependant forcés de marcher toujours… Nous n’osions nous regarder de peur qu’une larme échappée à l’un de nous ne fît arriver les larmes à tous nos yeux… Nous allions, nous tendant la main et nous la serrant en silence, nous reposant un moment, tantôt sur le bord d’un fossé, tantôt sur la saillie d’une roche, pour admirer un moment ensemble ces sites regrettés, qu’ensemble, hélas ! nous ne devions plus revoir.

Tout à coup M. Ventejou s’est arrêté : c’était, disait-il, pour donner à Clémentine ses dernières instructions sur les éventualités du voyage. Nous avons continué à marcher sans lui ; mais à un détour du chemin je l’ai aperçu qui agitait son mouchoir.

— Faut-il l’attendre ? ai-je dit au commandant.

— Non. Poursuivons vite, au contraire. Il veut vous épargner son adieu.

M. C… disait vrai. La voix du bon docteur nous a appelés encore… Je ne l’ai plus vu revenir.

Bientôt un second ami a été forcé de remonter en voiture ; il était anéanti et ne pouvait plus marcher.

— Vous le consolerez, ai-je dit à celui qui avait le courage de rester.

— Non.

— Pourquoi ?

— L’absence qui fait peur a l’oubli pour lendemain.