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venez-vous de moi là-bas, madame… souvenez-vous de moi, et… priez pour nous.

— Je prierai pour lui, en pensant à vous, pauvre mère.

— Le ciel vous le rende ! Mais laissez-moi suivre mon idée, laissez-moi sortir… le monde est le monde ; si vous me traitiez avec bonté devant lui, il blâmerait votre pitié… Il ne vous pardonnerait pas d’oublier, quand il se souvient… Adieu, madame… adieu !

Pauvre Mariette ! sa faute fut le crime d’un autre, et, depuis dix ans, elle l’expie sans plaintes et sans révoltes ; depuis dix ans, elle vend toutes les sueurs de son front ; elle verse toutes les larmes de son cœur pour se conserver le droit de gagner le pain de son enfant, pour se ménager la joie de prier au chevet de son berceau.

C’était la chambre de l’excellente fille que j’occupais pendant les débats de mon procès ; c’est sur son lit que j’étais étendue sans connaissance lorsqu’on vint me lire l’arrêt de ma condamnation ; c’est à l’ombre des rideaux de sa petite alcôve qu’elle se glissa furtivement, un soir, pour me présenter son fils.

Rien de touchant comme la tendresse humble et craintive de ces deux êtres malheureux. Le pauvret, tout tremblant de sentir trembler sa jeune mère, se cachait sou ? sa mante et nouait ses deux bras à son cou. Mariette, agitée, confuse, tantôt rassurait l’enfant par un sourire, tantôt me regardait en pleurant ; la douleur voilait sur son visage le rayonnement de l’amour maternel, et quand sa tête brune se penchait sur la tête blonde du pauvre petit qui l’appelait « ma sœur, » on eût dit deux oiselets éclos dans un même nid, deux fleurs épanouies sur une même tige, à un intervalle de quelques soleils. Pauvre Mariette !