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V

M. Lachaud sort de chez le préfet. Je ne serai pas enfermée dans une voiture cellulaire. Le ministre a pris en considération le rapport des docteurs Ségéral et Ventejou, qui, n’ayant pas cessé de veiller un seul jour sur ma pauvre santé, n’ont pas hésité à certifier que ce mode de transfert pourrait me tuer.

Pendant mon procès, ce n’est qu’en me saignant chaque soir que ces savants amis m’ont pu faire supporter le long martyre des débats. Que serais-je devenue, malade, abandonnée, dans un de ces étroits cabanons où l’air et le jour manquent, où le captif n’a, pour endormir ses douleurs, qu’un bruit de roues incessant et que d’incessantes ténèbres ?

L’affectueuse sollicitude de mes bons docteurs ne m’a pas seulement rachetée des chances d’une mort terrible ; elle m’a sauvée, à mon insu, du néant de la folie et de la fièvre du désespoir. La vie se plaît souvent à galvaniser des cadavres ; peut-être se serait-elle acharnée à moi ; mais ma pensée, mais mon cœur se seraient abîmés dans les larmes !… Chers amis ! je veux sentir une dernière fois ma main pressée dans leurs mains. Je veux que leur présence résigne l’heure des adieux, comme elle a résigné ses sœurs, mes pauvres heures souffrantes et désolées… Chaque matin, ils ne m’entendront plus leur dire : « Au revoir ! » Se souviendront-ils du moins qu’en partant mon cœur leur a dit : « À toujours ? »


VI

Je partirai demain soir, dans une chaise de poste sous l’escorte de deux gendarmes. Clémentine m’accompagnera.