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bres. À l’époque de mon procès, son étude se trouvait ainsi un des centres de réunion de mes plus cruels adversaires. Il assista donc à toutes les péripéties du drame terrible qui se nouait à l’ombre contre moi, pour aller se dénouer, contre moi encore, au grand jour de la cour d’assises.

D’abord gagné à la cause de la calomnie et me croyant coupable, M. Lacombe usait de son influence pour m’aliéner l’opinion publique et l’intéresser aux espérances haineuses de mes ennemis. S’il ne cachait pas ses répulsions contre l’accusée, il cachait encore moins ses sympathies pour la famille accusatrice.

Mais il arriva un jour où l’honnête homme se trouva de trop dans ces mystérieuses collusions de colères intéressées ! et de rancunes vénales ; où l’homme de cœur s’indigna ! des tortures infligées à Emma Ponthier, la pieuse enfant qui osait me défendre de toute sa conscience et m’aimer de tous ses souvenirs ; où l’homme de grand sens se révolta des cris d’une mère et d’une sœur, plus soucieuses d’escompter la mort que de la pleurer, plus jalouses d’hériter d’un crime que de sauver leur nom d’un déshonneur… Il arriva un jour où les pensées de M. Lacombe se troublèrent ; où, voulant examiner, approfondir les faits, il fut conquis à la cause de mon innocence, et, d’ami des oppresseurs, devint l’ami de l’opprimée.

Revenir d’une prévention secrète est chose difficile et rare ; mais abjurer hautement une prévention hautement avouée, défendre ouvertement ce qu’on avait ouvertement attaqué, oser respecter le lendemain ce qu’on avait flétri la veille, c’est d’une conscience ferme, d’un esprit droit… c’est surtout d’un grand cœur.

Ô mon courageux ami, ô mon cher tuteur ! je vais partir, pour ne plus vous revoir peut-être !… Gardez mon souvenir. Je vous le lègue comme le souvenir d’une bonne action.