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posera sur ma main, pour y sentir les derniers battements de ma vie !… Ce sera son regard qui rencontrera mon dernier regard !… Ce sera son oreille qui recevra mon dernier cri au monde !… et le monde ne m’entendra pas !!!

Et si je survis, ô mon Dieu ! dans quel abîme irai-je tomber ?… Je n’ai plus de patrie ! je n’ai plus de foyer ! Mon nom n’est plus un titre ! Ma vie n’est plus un droit !… Pitié ! mon Dieu, pitié ! Laissez moi mourir ici, parmi les miens…


IV

Mon tuteur est venu me voir avec le docteur Ventejou. Celui-ci est sorti sur-le-champ, emmené par M. Lachaud. Je crois qu’ils sont allés à la préfecture.

La figure sérieuse de M. Lacombe est plus sérieuse encore que de coutume. Pour se dispenser de parler, il a pris je ne sais quel petit objet sur ma table de travail, et il l’a examiné avec une attention fiévreuse.

— Gardez-le, lui ai-je dit en posant doucement ma main sur son bras ; gardez-le, en souvenir de votre pauvre pupille. Vous êtes de mes amis celui que Dieu m’a donné le plus tard. Promettez-moi d’être celui qui m’aimerez le plus longtemps.

— Ce n’est pas un reproche, au moins ?

— Oh ! non, c’est une prière, un adieu.

Il y a dans l’amitié que m’a si fidèlement vouée M. Lacombe une suite de particularités qui me la font bénir, à titre d’amitié providentielle.

M. Lacombe, notaire à Tulle, est un des hommes les plus estimés du pays. Il était, depuis de longues années, en relation d’affaires avec la famille Lafarge, et même en relation de politesse intime avec quelques-uns de ses mem-