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pouvait nous voir qu’une fois par semaine, une heure seulement, et en présence d’une religieuse de la maison. Nous en souffrions tous. Elle en souffrait plus que nous : l’isolement, dans une étroite cellule, la désespérait, et la présence inquiète et soupçonneuse de ceux-là seuls qui pouvaient l’approcher lui était plus insupportable que son isolement.

Bientôt la fièvre, une fièvre intense, se déclara, et l’état de la malade devint alarmant. L’autorité se montra compatissante. Le préfet ne fut pas moins humain que le directeur. Les soins de la famille furent reconnus nécessaires, et tous les jours, à toute heure, la porte de la prison s’ouvrit pour nous.

Ce fut alors que ma fille, la seule fille que Dieu m’avait laissée, résolut, sans nous le dire, de ne plus se séparer de sa cousine, et de partager sa captivité. Jeunesse, liberté, amitiés de l’enfance, joies pures de la vie, projets d’avenir, elle abdiqua tout… et ce ne fut pas chez elle un vertige de l’imagination, un éblouissement du cœur. J’ai du bonheur à le dire, onze années consécutives l’ont trouvée fidèle (autant que l’autorité l’a permis) à ce pieux dévouement, dont elle ne comprenait pas qu’on pût s’étonner.

Je ne dis pas cela pour honorer ma fille. Dieu connaît ma pensée ; c’est lui qui l’inspire, et il sait où elle va.

Qu’on me permette maintenant de ne plus dire un mot, ni de ma fille, ni de sa mère, ni d’aucun de nous. Hors de la charité, c’est sottise et orgueil que de parler de soi.

Les Heures de prison sont la reproduction fidèle de toutes les souffrances, de toutes les douloureuses péripéties dont nous avons été les témoins. La prisonnière s’y montre telle qu’elle était, avec ses luttes et ses défaillances, avec sa résignation et sa foi, et ce que sa modestie a voulu taire, il ne m’appartient pas de le publier.

Constamment malade et presque toujours alitée, elle ne pouvait se livrer que de loin en loin à un travail sérieux. Sa cor-