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goûts, car la rivière Wilson, qui traversait les terres du père Kelly, était très poissonneuse, et le gibier foisonnait dans les bois d’alentour.

En somme, pour un homme comme lui qui se croyait déchu de ses droits, de sa dignité, et exclu pour toujours de la société des honnêtes gens, une telle vie ne manquait pas d’agrément et d’utilité, et il en remerciait tous les jours le bon Dieu.

La maison du vieux fermier était fort habitable, et l’exil maintenant n’y pesait pas trop. Elle était petite, mais le cœur de son propriétaire était grand. On eût pu écrire sur le seuil de ce logis les mots du philosophe latin : Parva domus, magna quies !

Dans l’esprit des membres de la famille Kelly, le géant — comme ils appelaient notre héros — était un grand persécuté, un saint… et tous lui témoignaient la plus sincère vénération.

Ils le croyaient réellement muet.

Jean-Charles pouvait, depuis longtemps, se dispenser du caillou : à force de rester silencieux, il avait pour ainsi dire perdu l’usage de la parole.

Au milieu de ses épreuves, Jean-Charles avait reçu du ciel une consolation, la plus grande qu’il pût désirer : celle de croire que son frère était sauvé !