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visite du bonhomme n’était pas étrangère à cet événement.

Touchant plusieurs cartes avec le bout d’une plume d’oie, elle se met à compter à haute voix : un, deux, trois, quatre, cinq, six. Puis, d’un accent tragique : « Ciel ! que vois-je ? six jeunes gens qui vont se noyer sous les yeux de leurs parents et amis, et nul ne cherche à les secourir ! Que vois-je encore ? un homme, un sauvage, saute dans un canot et vole au secours des malheureux… »

Ici, la Châtigny fait une pause et regarde, à la dérobée, le père Latourelle, qui parait en proie à la plus vive agitation. Et elle continue : « Ce sauvage est accompagné d’un chien ; je les vois plonger et retirer deux hommes du fond de l’eau ! Ce sauvage sauve ensuite les quatre autres jeunes gens qui s’étaient accrochés à leur chaloupe renversée ! »

La cartomancienne fait une nouvelle pause, et le père Latourelle en profite pour lui adresser, d’une voix tremblante, cette question :

— Ce sauvage, madame, parle-t-il ?

La tireuse, après avoir regardé à plusieurs reprises trois différentes cartes, en les frappant chaque fois de sa plume magique, répond :

« Non, il ne parle point, puisqu’il est muet ! »

— Quoi ! madame, vous affirmez qu’il est muet ?