Page:Caouette - Le vieux muet ou un Héros de Châteauguay, 1901.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 143 —

Il paraît, pensa Philippe, que notre muscadin loge loin du « Saumon d’or »… Et dire que, tous les soirs, ce fou-là s’impose une aussi longue marche pour se damner… quand ce serait si facile pour lui de se sauver en restant tranquillement chez lui à servir le bon Dieu et à étudier…

Mon Dieu, que les méchants sont bêtes !

Moi si j’étais étudiant en loi, je sais bien ce que je ferais : j’étudierais la loi, babiche !

Mais ! — et il s’arrêta comme saisi de frayeur — j’y pense tout d’un coup, si j’étais étudiant en loi, je ne fréquenterais que le grand monde, et je n’aurais peut-être jamais connu Jacqueline, qui ne va pas, elle, dans le grand monde… Eh bien, bonsoir, l’étude de la loi ! bonsoir, le grand monde ! J’aime mieux garder et mon état et ma Jacqueline….

Mais, voyons ! qu’est-ce que je fais, ici, planté comme un champignon ?… Il ne faut pas que je perde le muscadin de vue, car il ne m’attendra pas, bien sûr, ce polisson-là !

Il pressa le pas pour reprendre le terrain perdu et se mettre en bonne posture d’observation. Puis continuant son monologue : Nous sommes sur la rue Saint-Denis, je crois.

Tiens ! voilà Victor qui s’arrête ! Alors, il faut que je m’arrête moi aussi, je suppose ! Il monte l’escalier de cette grande maison !