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ou un croque-mitaine ! Car il y avait longtemps, alors, que la sorcellerie ne faisait plus de dupes dans la bonne ville de Québec. Néanmoins, la curiosité publique était piquée ; et, dès le même soir, quelques-uns des principaux paroissiens résolurent de se rendre à la grève, le lendemain, pour rencontrer cet étranger.

Les jeunes pêcheurs avaient ajouté que le colosse devait habiter l’ancienne forge, d’où ils avaient vu une épaisse fumée s’élever en spirale.

Le lendemain donc, sans autre arme qu’un sac rempli de provisions, quatre citoyens partirent en éclaireur pour aller sonder le mystère.

Rendus au pied de la route qui conduisait au chantier-Gingras, et qu’on nomme aujourd’hui la rue Saint-Ambroise, ils aperçurent le vieillard assis sur le seuil de la cabane, les coudes appuyés sur les genoux et le front plongé dans ses larges mains.

Au bruit de leurs pas, le cerbère, qui était couché devant son maître, se leva en aboyant ; mais le colosse saisit l’animal qu’il musela solidement, puis, redressant sa haute taille, il attendit les visiteurs.

Ceux-ci, après avoir salué l’inconnu, qui leur rendit la politesse, lui adressèrent tour à tour la parole ; mais, à la surprise générale, le vieillard, pour toute réponse, mit un doigt sur sa bouche et secoua tristement la tête.