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vers l’humanité

 
J’ai passé bien des nuits, seul à travers les dunes.
En écoutant hurler, dans l’ombre, les flots noirs,
J’ai frémi de pitié devant chaque infortune
Comme une harpe d’or qui vibre au vent du soir !
Oui, toute œuvre serait lamentable et stérile
Qui n’exhalerait pas les enivrants parfums
Des bois pleins de muguets, et des iris graciles,
Et l’encens capiteux des souples cheveux bruns,
Où tout ce qui bruit et tout ce qui respire
Ne mettrait son murmure et son souffle, où le ciel,
Où le soleil ardent dont la terre est l’empire,
N’apparaîtraient aux yeux, comme un cadre éternel
Au cortège incessant des peuples et des races ! —
Mais enfin, j’ai compris que la pure splendeur,
Qui semblait résider dans le temps et l’espace,
N’existe que par l’homme et grandit en son cœur.
Pour lui, le soleil brille et la terre est fleurie,
L’univers n’est plus rien, lorsque l’esprit s’endort.
Le monde est mon autel. J’y chanterai la vie,
La naissance de l’être, et l’hymen, et la mort.

(Berceuse à l’orchestre.)


Comte, ce nouveau-né sous la blonde lumière,
Chair vagissante et frêle où s’éveille un cerveau,
C’est toi qui m’as appris qu’il était saint et beau,
Héritier de l’effort tenace de ses pères,
Ouvrier à venir de sublimes travaux.