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vers l’humanité


le prolétaire

 
Au nom des ouvriers, artisan de justice,
Comte, il faut en ce jour que ma main te bénisse,
Je n’étais rien. Ta voix m’a fait dresser le front.
Les riches et les forts me courbaient sous l’affront.
Je n’étais plus l’esclave ou le serf que l’on fouette.
Aux princes, en défi, j’avais jeté la tête
D’un roi ; lorsque, soudain, brisé dans mon essor,
J’avais subi, muet, le nouveau maître, l’or ;
Et, comme un vagabond aux portes de la ville
Regarde au loin, du seuil d’une tente fragile,
Les dômes éclatants des somptueux palais,
Étonné, j’ai revu ceux-là que j’appelais
Frères, au temps lointain de la lutte commune.
Ils passaient, dédaignant ma misère importune,
Grisés par l’abondance et par mille plaisirs,
Et sans prêtre ni foi qui domptât leur désir…
Alors Comte m’a dit : « Leur règne est éphémère,
« La puissance est à ceux qui recouvrent la terre
« Du lourd manteau doré des fertiles moissons,
« Tirent du sol la houille, élèvent les maisons !
« Ceux-là seuls sont les forts, dont le labeur utile
« Fait fleurir les jardins, et bourdonner la ville
« Et dévorer l’espace aux machines d’acier ;
« Non les tristes oisifs, producteurs de fumier