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la splendeur d’aimer

 
À tes doigts j’ai noué tous mes doigts. J’ai laissé
Des heures, en tes bras, mon corps souple pressé,
J’ai versé dans ton cœur ma jeunesse et ma grâce…
Mais l’acte, par lequel s’éternisent les races
Et l’éphémère humain s’affirme et s’ennoblit,
L’acte ardent et sacré ne s’est pas accompli.
Car je ne pouvais pas, à l’heure solennelle
De me donner à toi, bien toute, d’être celle
Qui ne se croirait plus que ton âme et ta chair,
Garder l’ombre d’un autre au fond de mes yeux clairs…
Le fuir était trop lâche et le trahir infâme…
Mais plus encor, sentir quand tout mon corps se pâme,
Baigné de volupté sous ton cœur triomphant,
L’effroi de ce qui fut notre rêve… un enfant…
Non… mon âme du moins voulait te rester pure
Jusqu’à la mort ! Et vois, la peine que j’endure
Se fait douce, au retour de ces beaux soirs d’été,
Où la mélancolique et discrète clarté
Des dernières lueurs nous enveloppe, et dore
Nos sentiers d’autrefois, où nous passons encore…

le poète


Douceur triste d’aimer, faite de souvenirs,
Nous resteras-tu seule, à nous dont le désir
Avait uni les lèvres ?
Mon cœur frissonne encor de son ancienne fièvre,
Mon espoir agonise et ne veut pas mourir.