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la lente épreuve

Je suivis ton voile à l’aube blafarde
Et je restai seul, espérant mourir !


Ô crier notre amour en redressant la face,
D’un grand cri, devant tous, rejeter dans l’espace
Le mystère pesant de nos cœurs douloureux !
Ô crier : nous avons souffert, nous sommes deux
Qui nous aimons : nos fronts ont la même pensée.
Qui nous voulons : nos mains frémirent, fiancées
Sous les tièdes rayons d’un matin de printemps.
L’invincible désir a fleuri dès longtemps
Dans nos corps de vingt ans et dans nos âmes saines,
Et nous rêvions d’aimer, selon les lois humaines,
Jusqu’au soir où la mort viendrait clore nos yeux
Épris de la splendeur de la terre et des cieux !
Ô briser le secret de nos tristes ivresses,
De nos profonds baisers, de nos lentes caresses
Sous l’asile ondoyant des bois mystérieux.
Je souffre ! Je suis las du silence odieux,
Car il est un mensonge et comme une souillure,
Las de vivre en damnés quand notre amour est pure !