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la lente épreuve


Or, ce soir-là, mon rêve envahit tout l’espace,
Rêve éclos de ton souffle, ô mon amie, et tel
Qu’il enferme l’espoir d’un poème immortel,
Sans toi, rêve d’enfant, qui scintille et s’efface !



Parfois, dans la splendeur des tièdes soirs mourants
Où tu passais, parmi les jardins odorants,
Effeuillant de tes doigts les grands iris bleu sombre,
N’as-tu pas entendu non loin de toi, dans l’ombre,
Monter comme un soupir mélancolique et doux,
Puis comme un cri plaintif, puis de longs appels fous,
Puis un son lent… C’était ta harpe délaissée
Par le caprice errant du Zéphir caressée
Sans rythme, sans beauté. Tu t’approchais alors
Songeuse, et tous tes doigts pressais les cordes d’or.


Et c’était la romance antique et familière
Que les filles des champs apprirent de leur mère,
Puis, leste et vigoureux, le rythme des chansons
Que sifflent les faucheurs courbés sur les moissons,
Puis les strophes d’amour languissantes et douces,
Les murmures d’amants enlacés sur la mousse ;
Puis, ainsi qu’une marche au rythme auguste et fier,
Le choc des marteaux lourds, qui font jaillir du fer