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la lente épreuve

 

Ta tête, vers moi s’était inclinée,
J’ai senti tes doigts trembler dans ma main,
Nous ne songions plus à la destinée,
Angoisses d’hier, et pleurs de demain.

Ô restons ainsi, longtemps, sous le charme !
Le désir brûlant meurt avec le jour.
De nos corps de chair brisés par les larmes
S’échappe et jaillit un rêve d’amour.

À travers l’espace il flotte impalpable,
Enivrant parfum d’un amour cruel,
Rêve aux ailes d’or, rêve impérissable,
Il emplit les bois, les eaux et le ciel ;

Les bois, dont bientôt les frêles feuillages
Joncheront le sol ; — le calme des airs,
Où va s’entasser en sombres nuages
La brume qui flotte au ras des flots clairs.

Il anime seul l’inerte matière,
Couleurs et parfums, qu’un soir peut unir,
Mais dont l’harmonie est si passagère
Qu’un hasard prochain doit l’anéantir…