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la lente épreuve

 

Je t’aime et je voudrais que mon œuvre fût belle
Comme ton pur sourire et comme ta douleur ;
Je voudrais, un matin, quand la rosée en pleurs
Scintille au velours fin des corolles nouvelles,
T’apporter ces feuillets où j’aurais mis mon cœur.


Je t’aime, au soir mourant, lorsque tintent les cloches,
Lorsque le montagnard, à genoux sur la roche,
Courbe son front dévot sous la splendeur des cieux,
En murmurant ton nom, je baise tes cheveux.


Quand Dieu restait muet aux heures de détresse,
Tu m’as enveloppé de ta chaude tendresse,
J’ai mis en ton amour ma force et mon espoir :
Sans toi, je suis un fou, qui va sous le ciel noir,
La foi de ma raison s’épouvante et chancelle
Et cette foi, pourtant, est très pure et très belle,
Qui courbe l’homme épris d’austère vérité
Aux pieds de la Science et de l’Humanité.
Où Comte m’entraînait, j’aurai voulu le suivre ;
Il dit la dignité de créer et de vivre
Et d’attendre la mort en mâle combattant :
Mais je suis un poète, hélas, et j’ai vingt ans !