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la lente épreuve

 

Quand j’ai voulu fêter la vie et la jeunesse,
Moissonner les baisers dans l’or des blondes tresses,
À la fin des banquets railler même la mort,
Draper mon cœur en deuil d’un voile d’allégresse,
Chaque instant de plaisir m’a coûté des remords.

Quand j’ai voulu courir à la lutte, à la gloire,
Je me suis abattu sans force désormais.
Comme je sanglotais, seul, sur la route noire,
Hier, j’ai vu passer, au fond de ma mémoire,
Le spectre déchirant de celle que j’aimais,

Et, poursuivant toujours son image lointaine,
Je suis venu prier sous la voûte des chênes
Où mon rêve d’amour gisait enseveli.
Et je sens, lentement, mes doutes et mes peines
Fondre dans la senteur des muguets et des lys.

Ô brise de mai, caresse subtile
Du printemps nouveau sur les bois fleuris,
Toi qui fais trembler les tiges fragiles
Des grands boutons d’or et des bleus iris.

Toi qui fais jaillir des nouvelles pousses
La feuille laiteuse, espoir de l’été,
Toi qui vas, baisant sur leur lit de mousse,
Les ruisseaux bavards aux flots argentés,