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préface

N’était-ce pas cependant, au milieu de tous ces hommes désorientés, confondus, dont le cœur saignait encore bien souvent du respect des croyances effondrées, que la grande voix de la poésie pouvait soudain éclater harmonieuse, souveraine et comme religieuse, pleine de consolations, pleine d’espérance.

Elle aurait consacré les grandes étapes du passé, éclairé l’avenir, montré ce qu’il restait à conquérir dans ce champ de la nature dont chaque progrès du savoir humain recule les limites. Elle aurait idéalisé surtout, ce qui, indépendamment de toute condition, de toute croyance particulière peut être la source morale de nos joies intérieures. Elle aurait glorifié, au-delà de la mélancolie des heures qui coulent, emportant les joies et les douleurs individuelles, l’éternité de la vie, la puissance de l’effort.

Ne croyez-vous pas qu’en ce temps-ci, le seul livre de vers qui pourrait être à la fois beau et populaire est celui où l’enfant, la femme, l’homme, le vieillard, ceux qui rient et ceux qui pleurent, ceux qui aiment et ceux qui sont las de haïr, trouveraient chacun une page… une seule, à lire. Et l’auteur de ce livre-là ne s’écrierait plus comme tant de poètes aujourd’hui : « Regardez-moi bien, ne suis-je pas singulier ? J’ai vécu en fou, en malade et parfois même en criminel à seul fin de vous conter ma vie et de vous distraire ». Il voudrait qu’on pût dire de lui : « Ce poète a connu la joie et la douleur, parfois aussi la faiblesse humaine, mais il a travaillé, lutté, admiré, aimé, pardonné plus que moi. S’il m’a livré ses heures en des strophes harmonieuses, c’est qu’il voulait se grandir en me rendant meilleur. Il a mis en mon âme tout ce que les religions anciennes avaient de plus pur, tout ce que la vie contenait de ferveur brûlante. Il a pris à la fois mon esprit et mon cœur… ».

Et celui-là serait vraiment le poète du siècle qui commence qui joindrait à l’enthousiasme d’un Fra Angelico la foi d’un Auguste Comte dans le triomphe final de l’Humanité. Et nous tous qui écrivons des vers durant la grande crise actuelle, ne pourrons être que ses précurseurs. Qu’importe, une œuvre aussi belle exige qu’on la