Page:Canora - Poèmes, 1905.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.
112
la lente épreuve

 

Comme l’on voit parfois, en mer, au ras des flots
De grands papillons d’or traînant leurs ailes lasses,
Déchirés par le vent, épuisés par l’espace,
Haleter vainement vers de lointains îlots.

Ainsi, vers l’Idéal, soleil de ma jeunesse,
S’envolent sans espoir mes pauvres rêves las,
Et je reste sans force aux lieux où tu n’es pas,
Car l’inconnu glacé m’environne et m’oppresse.

Ah ! premier soir d’ivresse où pâle, contre moi,
Renversant ton col blanc tu me donnas tes lèvres !
Je cueillais un baiser. Tu me pris tout à toi
Tu laissas dans mes yeux tes yeux brillants de fièvre.

Les mots que tu disais chantèrent dans mon cœur,
Ton doux charme embellit les choses familières
Et je sentis la vie, et j’aimai mieux mes frères
Ayant connu par toi la joie et la douleur.

Et qu’importait, dès lors, la grâce ou la parure
De celles qui passaient auprès de ma maison,
Ton âme était en moi, si profonde et si pure,
Que tu ne craignais rien, oubli ni trahison !