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la lente épreuve

 

Si l’homme a su dompter la sauvage nature
Et soumettre la force, il ne l’a dû qu’à lui.
S’il doit connaître un jour l’existence moins dure,
C’est qu’il saura se vaincre et vivre pour autrui.
Un grand souffle de paix a caressé les villes
Et rafraîchi le front des humbles travailleurs,
Et déjà, maudissant les carnages stériles,
Les peuples d’Occident rêvent un sort meilleur.
Pourquoi semer le blé dans la terre féconde ?
Pourquoi sur les vaisseaux charger l’ambre et le fer
Si les pieds des chevaux foulent les moissons blondes,
Si l’obus engloutit les flottes dans les mers ?
Pourquoi tuer, pourquoi le massacre et la proie
Quand si chétive encore est l’œuvre de nos mains,
Quand pour donner enfin au monde un peu de joie,
Ce ne sera pas trop de tout l’effort humain ?


Poète il faut chanter, l’humanité t’implore,
Il faut par les faubourgs, les villes et les champs
Annoncer la splendeur de la nouvelle aurore
Et les peuples unis répéteront tes chants.
Poète, il n’est plus temps de chanter pour toi-même
Les molles voluptés, en effeuillant des lys,
Va-t-en droit à la forge où les faces sont blêmes,
Où la sueur de sang coule des bras meurtris !