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pélerinage

 
Parfois nous restions couchés sur la mousse,
La sève gonflait les nouvelles pousses,
Le jeune printemps riait dans les bois…
Et je crois encore entendre ta voix !
Tu voulais savoir toutes mes chimères.
Lorsque j’hésitais, tu disais : « espère,
L’avenir est vaste, et je crois en toi. »
Et dans tes grands yeux, je lisais ma foi…



Alors je te livrais toute mon espérance,
L’Idéal de mon âme et celui de mes vers,
L’Humanité sortant des siècles de souffrance,
Comme un géant captif qui briserait ses fers,
Et, traînant après lui les débris de sa chaîne,
Pâle d’avoir connu l’horreur des noirs caveaux,
Gravirait un rocher, au-dessus de la plaine
Pour voir, là-bas, blanchir l’aube des temps nouveaux.
L’Humanité s’éveille, et Dieu tombe en poussière,
Le Dieu clément n’eût pas enfanté la douleur.
Il n’eût pas arraché les enfants à leur mère,
Versé les feux du ciel sur les cités en pleurs,
Il n’eût pas consenti, dans sa bonté sereine,
À voir des fous hagards courir par les chemins,
Des milliers de mortels joncher les vastes plaines,
Au glaive ensanglanté crispant encor leurs mains…