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Hiver de 1788.

La reconnaissance des Parisiens pour les secours versés par le roi et la reine fut très-vive et très-sincère. La neige était si abondante que, de-

    assez imposantes. Pourquoi ? C’est que tout homme qui trouvera une retraite au milieu de la cour, et fera passer pour une vertu de réflexion son indifférence pour les femmes et pour les spectacles, qui se donnera les dehors graves d’un homme appliqué, et sera réputé étranger à toute espèce de tracasserie, persuadera que, livré à la chose publique, il ne quitte pas un moment les affaires de l’État. M. de Vergennes s’était si bien acquis cette réputation que, dans une de ces facéties que la cour invente pour se dérober à l’ennui, on le représenta comme accablé sous le poids du travail. Il s’agissait de masquer tous les ministres et d’autres personnages importans. La reine devait deviner et reconnaître les masques. Le comte de Vergennes fut représenté portant le globe sur sa tête, une carte d’Amérique sur la poitrine, et une d’Angleterre sur le dos. Il est tel ministre qu’on eût pu représenter tenant dans la main la ceinture de Vénus, et jouant avec le carquois de son fils.

    » Dans une autre occasion, une femme de la cour, vieille et laide, s’étant approchée, dans une parure trop brillante pour son âge et sa figure, de la table du roi, Monsieur lui demanda ce qu’elle voulait ?… Hélas ! ce que je veux ! Je veux prier le roi de me faire parler à M. de Vergennes. Le roi, en riant de bon cœur avec tout le monde, promit à cette septuagénaire de lui procurer l’audience du ministre avant qu’elle mourût.

    » Ces événemens, quelque peu importans qu’ils paraissent,