Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.

au moment où elle se disposait à sortir : « Pour qui donc, lui disait-il d’un ton moqueur, pour qui ce détachement de guerriers que j’ai trouvé dans la cour ? est-ce quelque général qui sort pour inspecter son armée ? Tout cet étalage militaire convient-il à une jeune reine adorée de ses sujets ? » Il prenait cette occasion de lui rappeler la simplicité avec laquelle vivait Marie-Thérèse, les visites qu’elle allait faire, sans gardes et même sans suite, chez le prince d’Esterhazy, chez le comte de Palfi, pour y passer des journées entières loin de l’éclat fatigant de la couronne. L’abbé flattait ainsi, avec une adresse funeste, le penchant de Marie-Antoinette ; il lui indiquait sous quelles couleurs elle pouvait se déguiser à elle-même sa haine pour les coutumes orgueilleuses, mais consacrées, que suivaient les descendans de Louis XIV.


Le théâtre, cette ressource féconde et commode des esprits superficiels, était à la cour le fonds de toutes les conversations[1]. C’était habituelle-

  1. Un conte heureux, un bon mot, quelque naïveté ridicule d’un provincial, étaient aussi des bonnes fortunes dont on s’empressait de profiter. Il y avait des courtisans à la piste des histoires nouvelles ; et il faut avouer qu’ils portaient fort loin l’art agréable de conter avec grâce. Il était délicieux de les entendre ; mais, à moins d’avoir un talent égal au leur, c’était chose difficile de redire ce qu’ils avaient dit : le ton et la forme ôtés, rien ne restait.
    (Note de l’édit.)