Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.

coton, que la reine sa fille lui avait envoyée. Ce pauvre prince, qui espérait encore sortir de l’état affreux où l’avait mis ce terrible accident, voulut en faire part lui-même à la reine, et, mêlant la gaieté douce de son caractère au courage de son ame, il lui manda : « Ce qui me console, ma fille, c’est que je brûle pour vous. » Cette lettre ne quitta pas Marie Leckzinska jusqu’à sa dernière heure, et ses femmes la surprirent souvent baisant un papier qu’elles ont jugé être ce dernier adieu de Stanislas[1].

  1. Ce trait honore le cœur et la piété filiale de Marie Leckzinska. Cette princesse avait autant d’esprit que de sensibilité, si l’on en juge par plusieurs traits qui lui échappaient dans la conversation, et que l’abbé Proyart a recueillis. Plusieurs sont remarquables par le fond des idées, et souvent aussi par un tour ingénieux et vif.

    « Nous ne serions pas grands sans les petits. Nous ne devons l’être que pour eux. » (P. 240.)

    « Tirer vanité de son rang, c’est avertir qu’on est au-dessous. » (P. 240.)

    « Un roi qui commande le respect pour Dieu est dispensé de le commander pour sa personne. » (Ibidem.)

    « La miséricorde des rois est de rendre la justice ; et la justice des reines, c’est d’exercer la miséricorde. » (P. 241.)

    « Les bons rois sont esclaves, et leurs peuples sont libres. » (Ibidem.)

    « Le contentement voyage rarement avec la fortune ; mais il suit la vertu jusque dans le malheur. » (Ibidem.)

    « Ce n’est que pour l’innocence que la solitude peut avoir des charmes. » (P. 242.)